Collaboration ou lutte de pouvoir? Rapports de genre au sein de l’espace domestique des élites romandes au XVIIIe siècle
La présente contribution s’intéresse aux pratiques féminines au sein de l’espace domestique des élites urbaines protestantes romandes dans la Suisse de l’Ancien Régime. Alors que la gestion économique des affaires privées est une activité traditionnellement masculine, le XVIe siècle voit s’amorcer des changements qui contribuent à une délégation progressive des responsabilités au sein du ménage, et à une répartition des rôles qui confère aux femmes un pouvoir matériel et symbolique. Aux changements sociaux et structurels s’ajoute un discours sur la différence entre les sexes, qui tend à naturaliser les rôles de chacun-e, attribuant aux femmes les soins de l’intérieur.
Immergées dès leur plus jeune âge dans des pratiques de gestion chapeautées par les femmes de l’entourage – les maîtresses de maison de l’élite matérialisent la gestion quotidienne par l’écriture: la tenue de livres de comptes, d’inventaires, de journaux et d’une correspondance qui s’intensifie atteste de l’existence de lieux d’autorité féminins, dont découlent des rôles pluriels (patronne, maîtresse de maison ou hôtesse) ainsi que des espaces matériels reconfigurés (bureau personnel, pièce privative), préludes d’une "chambre à soi" et marqueurs d’autonomie. Sur la base de l’analyse de certains écrits personnels, nous nous proposons d’identifier des espaces de pouvoir féminin, en identifiant leur fonctionnement sous-jacent et leur limite, ainsi que les enjeux de genre qu’ils engendrent.